Migrants : Alexis Tsipras dénonce le comportement « honteux » du gouvernement macédonien
LE MONDE | 10.04.2016 à 12h28 • Mis à jour le 11.04.2016 à 17h21
Après les incidents, qui ont eu lieu dimanche 10 avril dans le camp d’Idomeni, enGrèce, à la frontière avec la Macédoine, Alexis Tsipras, le premier ministre grec, a accusé lundi 11 avril les autorités macédoniennes d’avoir eu un comportement« honteux » et indigne de l’Europe, dans leur manière de repousser des centaines de migrants.
Dans ce camp, où plus de 11 000 personnes vivent depuis plus d’un mois dans des conditions extrêmement difficiles, les forces de l’ordre macédoniennes ont utilisé des « gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc face à des gens qui ne constituaient pas une menace, n’étaient pas armés », a affirmé M. Tsipras.
« Il s’agit d’une grande honte pour la société européenne et un pays qui veut en faire partie. »
« J’attends des autres Européens et du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés [HCR] qu’ils disent quelque chose », a ajouté le premier ministre, qui s’exprimait à l’issue d’un entretien avec Antonio Costa, son homologue portugais.
260 migrants blessés
Les incidents ont éclaté dimanche en fin de matinée. La police macédonienne a fait usage de gaz lacrymogènes et, selon plusieurs journalistes, de balles de caoutchouc et de grenades assourdissantes pour disperser une foule d’environ 500 personnes qui réclamaient l’ouverture de la frontière et tentaient de détruire le grillage qui sépare les deux pays, certains jetant des pierres contre les policermacédoniens.
L’usage intensif de gaz lacrymogènes a provoqué l’évanouissement de dizaines de personnes, et la fumée s’est diffusée jusqu’au camp, où se trouvaient des femmes et des enfants.
Au moins « 260 migrants ont été blessés » pendant ces heurts avec la police macédonienne, a fait savoir un responsable des Médecins sans frontières (MSF). Le responsable de MSF dans le camp d’Idomeni a précisé : « 200 [personnes] ont été secourues par notre unité médicale pour des problèmes respiratoires, 30 pour des blessures provenant des balles en plastique et 30 pour d’autres blessures. »
« Un acte dangereux et déplorable »
La police macédonienne nie avoir utilisé des balles en plastique et a fait état de trois blessés légers. George Kyritsis, porte-parole de la coordination des migrations au sein du gouvernement grec, a dénoncé :
« L’usage sans discernement de produits chimiques, de balles en caoutchouc ou de grenades assourdissantes contre des populations vulnérables, et particulièrement sans qu’une telle force soit justifiée, constitue un acte dangereux et déplorable. »
Des journalistes sur place ont pris des photos des tirs et de leurs conséquences. Ils ont également évoqué l’arrestation de membres de la presse.
Verrouillage de la route des Balkans
De tels événements sont de plus en plus fréquents à Idomeni. Le 29 février, la police macédonienne avait fait usage de gaz lacrymogènes lors d’une ruée de nombreux migrants. Quinze jours plus tard, environ 1 500 personnes avaient tenté de passer la frontière, mais les policiers macédoniens les ont arrêtées et renvoyées en Grèce.
Le verrouillage de la route des Balkans, acté par plusieurs pays depuis le début du mois de mars, a bloqué plus de 11 000 personnes sur le territoire grec. Les tentatives du gouvernement grec pour convaincre les migrants d’Idomeni dequitter les lieux et être transférés dans des centres d’accueil avoisinants n’ont pas eu les résultats attendus, les migrants préférant rester sur place car ils espèrent toujours l’ouverture de la frontière.
Une manifestation s’est tenue dimanche au Pirée, principal port d’Athènes, où 4 500 migrants campent devant les terminaux depuis un mois. Plusieurs centaines de migrants ont manifesté pendant l’après-midi à l’appel d’une commission de coordination de sympathisants, de syndicats, du parti de gauche Antarsya et de l’ONG Open the Borders. Ils protestaient contre les tentatives du gouvernement grec de transférer les migrants dans des centres d’accueil.
Un accord entre l’Union européenne et la Turquie, vivement contesté par des organisations de défense des droits de l’homme, prévoit le renvoi en Turquie de toutes les personnes arrivées illégalement en Grèce depuis le 20 mars, y compris les demandeurs d’asile syriens. Seuls les migrants jugés éligibles à une protection spécifique, comme les Kurdes, ne seront pas concernés par cette disposition.