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Inizia il processo al direttore di Cumhuriyet, Can Dundar. L’intervista di Libération: “Erdogan cercherà di soffocare ogni critica”

Il direttore di Cumhuriyet, Can Dundar, in un’intervista a Libération dopo essere stato liberato. Venerdì inizia il processo a Istanbul. Da Libération del 24.3.16:

 

EXCLUSIF

«Erdogan poursuivra la répression jusqu’à étouffer toutes les critiques»

Par Ragip Duran, (à Istanbul) — 24 mars 2016 à 19:00

Libération

Can Dundar

Alors que son procès s’ouvre ce vendredi à Istambul, Can Dündar, rédacteur en chef du quotidien «Cumhuriyet» accusé d’«espionnage», revient pour «Libération» sur la répression croissante de la liberté de la presse menée par le régime islamo-conservateur au pouvoir en Turquie.

«Erdogan poursuivra la répression jusqu’à étouffer toutes les critiques»

La justice turque ouvre ce vendredi à Istanbul le procès de Can Dündar, rédacteur en chef du quotidien Cumhuriyet, et d’Erdem Gül, chef du bureau d’Ankara de ce journal de référence du camp laïc. Les deux journalistes risquent la prison à vie pour «espionnage» et «divulgation de secret d’Etat» pour avoir publié une enquête et des photos sur les livraisons d’armes par les services secrets turcs (MIT) à des groupes rebelles islamistes syriens en janvier 2014. Cette procédure est devenue le symbole de la répression de la liberté de la presse en Turquie et des dérives autoritaires du président islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan.

La Cour constitutionnelle avait exigé il y a trois semaines la mise en liberté provisoire des deux inculpés, incarcérés en novembre. Une décision violemment critiquée par le chef de l’Etat, qui a même menacé de dissoudre cette Cour, l’un des rares organes de l’Etat échappant encore au contrôle de l’AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002. «Nous n’allons pas nous défendre, nous allons faire le procès des crimes de l’Etat», a lancé avant son procès Can Dündar soulignant que «l’engagement turc dans la guerre civile syrienne a déclenché une autre guerre civile cette fois en Turquie». Il répond aux questions de Libération.

Malgré la décision de la Cour constitutionnelle, Recep Tayyip Erdogan demande votre réincarcération. Est-elle possible ?

Quand le droit n’existe plus dans un pays, tout acte contre le droit peut devenir une réalité. Dans les conditions normales, au-delà même de cette question d’une réincarcération, cette procédure à notre encontre aurait dû être close dans la logique de cette décision de la Cour constitutionnelle. Mais quand un président de la République affirme publiquement qu’il n’a pas de respect pour cette institution et qu’il ne va pas mettre en application son arrêt, et si en plus il donne des ordres au tribunal de première instance de ne pas s’y conformer alors comment attendre une justice équitable ? Il a également affirmé que si la Cour européenne des droits de l’homme condamne la Turquie, les autorités turques «paieront la somme de l’amende». Un proverbe turc dit : «Si la main pue, alors tu mets du sel, mais si le sel pue !»

Comment faut-il analyser l’arrêt de la Cour constitutionnelle ?

C’est incontestablement un verdict historique… Et pas seulement pour nous, mais pour l’ensemble des journalistes qui sont toujours en prison. La Cour précise en effet qu’arrêter un journaliste à cause de ses pratiques professionnelles ne vise pas uniquement à punir le journaliste en question mais aussi à empêcher les autres journalistes d’écrire librement. La Cour attire ainsi l’attention sur le danger de l’autocensure.

La Turquie est-elle encore un Etat de droit ?

Le président Erdogan est véritablement un cas sans précédent dans toute l’histoire de la Turquie républicaine. Pour lui, toute critique est une menace et toute menace est considérée comme un acte de terrorisme. Il veut emprisonner l’ensemble de ses opposants, et il est de plus en plus évident qu’il poursuivra la répression jusqu’à étouffer toutes les critiques. Si les derniers opposants aujourd’hui ne se révoltent pas contre cette dérive il ne restera plus personne pour les défendre quand eux-mêmes seront à leur tour arrêtés.

Dans les régions kurdes du pays, d’intenses opérations militaires sont toujours en cours. Comment analysez-vous la politique kurde du pouvoir ?

Depuis des décennies, les autorités turques ont essayé d’écraser par la force les révoltes kurdes. Ces répressions successives n’ont fait que préparer le terrain pour de nouvelles et de plus grandes révoltes. Recep Tayyip Erdogan avait eu l’air de comprendre finalement qu’il ne pouvait éradiquer le mouvement kurde par les armes et il avait pour la première fois opté, il y a trois ans et demi, pour la voie de la négociation. Les armes alors se sont tues, et une ambiance de paix commençait à s’établir dans le pays. Mais ce processus restait très fragile. Sans surprise, tous ceux qui, d’un côté comme de l’autre, avaient intérêt à la poursuite de la violence ont dynamité la paix. Ce conflit est aujourd’hui encore plus violent qu’avant. Il faut reprendre les négociations. Il n’y a pas une autre solution, car nous savons qu’il est impossible de résoudre le problème kurde par la force.

Ankara et l’UE ont signé un accord à Bruxelles au sujet de la crise des migrants. Qu’en pensez-vous ?

Pour se défendre de la vague de migrants, l’Europe est prête à payer et à tout concéder à la Turquie d’Erdogan au nom d’un «gardez loin de nous ces réfugiés et faites ce que vous voulez chez vous». Cela revient à louer des camps en territoire turc et à fermer les yeux sur l’oppression exercée par le gardien qui – faut-il le préciser – est ravi de ce «deal». Pour chaque acte répressif, le gardien pourra exhiber cette approbation que lui a donnée l’UE par cet accord. Tous ceux qui luttent en Turquie pour la liberté de la presse, pour la suprématie du droit, pour la démocratie, la laïcité et les droits de l’homme n’oublieront pas facilement ce choix honteux de l’Europe. La lutte est entre ceux qui en Turquie comme en Europe croient en ces valeurs universelles et ceux qui les piétinent. Si les premiers perdent, ce sera aussi une défaite pour l’Europe, qui aura de plus en plus de mal à défendre ses frontières de la pression de despotes qu’elle aura elle-même mis en place.

Ragip Duran (à Istanbul)

 

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