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Uno spettro si aggira per l’Europa. Il capitalismo. Secondo Cronenberg

Uno spettro si aggira per l’Europa, il capitalismo. Da David Cronenberg, a Cannes, l’ultima provocazione sul tempo che viviamo. Un miliardario si aggira in una limousine per New York, tra scontri etnici e killers che lo vogliono morto…Da Le Monde del 25.5.12:

“Cosmopolis” : le capitalisme, ce grand corps malade

LE MONDE | 25.05.2012 à 10h15 • Mis à jour le 25.05.2012 à 10h15

l y a toujours un risque à vouloir associer deux fortes personnalités artistiques. L’addition des inspirations tournant souvent à leur annulation réciproque, au choc improductif de contradictions indépassables, à la soustraction pure et simple. Comment Cosmopolis (2003), le court roman de Don DeLillo, est-il devenu au cinéma ce film dense et inspiré, à la fois physique et théorique, qu’a réalisé David Cronenberg ?

Pourquoi cette rencontre, (que l’on doit au producteur Paulo Branco) de deux artistes visionnaires paraît-elle si évidente lorsqu’on la découvre ce vendredi 25 mai à Cannes (le film sort le même jour en salles) ?

Sans doute parce que loin de n’être qu’une illustration cinématographique du roman, le Cosmopolis du réalisateur canadien, manifeste d’une intelligence redoutable, en est une lecture indiscutablement personnelle. Parce que les obsessions du cinéaste contenaient déjà la possibilité d’une expression cinématographiquement vraie, en tout cas, de ce dont parle le texte de DeLillo.

Eric Packer est un jeune milliardaire. Il ne quitte guère sa limousine, à l’intérieur de laquelle il reçoit divers visiteurs, consulte quelques collaborateurs, reçoit un médecin pour un check-up quotidien. La voiture progresse à une allure d’escargot dans les rues d’un NewYork en proie à de gigantesques embouteillages, tout autant qu’à ce qui ressemble à des émeutes. Son omniprésent garde du corps l’informe de l’existence d’un risque potentiel. Un complot serait ourdi pour attenter à sa vie. Mais Packer semble davantage préoccupé par le projet de se faire couper les cheveux dans un salon de coiffure. Alors qu’une fluctuation monétaire (celle du yen) menace de le ruiner entièrement, le jeune homme semble vouloir aller au bout d’une quête de la vérité qui ne se comblerait qu’avec la rencontre de celui qui veut l’assassiner.

“Un spectre hante le monde : le capitalisme.” Cette phrase, détournement du célèbre début du Manifeste du Parti communiste, présente dans le livre de DeLillo, est prononcée au cours d’une des multiples conversations qui parsèment le film. Sans doute peut-elle à elle seule résumer ce qui ressemble à une métaphore cinématographique.

Cosmopolis se veut une description de ce qu’est devenu le capitalisme moderne, modelé par une économie mondialisée, affranchi de ce qui faisait sa nature, réduit à la vitesse et l’ubiquité, le mouvement abstrait d’un argent qui a perdu toute corporalité, un monstre sans organes, un fantôme justement. A cette dématérialisation va s’opposer, peut-être (et c’est sans doute ce qui fonde l’énergie fondamentale du récit), la recherche d’une réalité perdue. Sans doute n’est-il pas indifférent que le héros soit obsédé par le projet de se faire couper les cheveux, rappel d’une excroissance pileuse qui peut être “en trop”.

Sans doute n’est-il pas indifférent non plus qu’il croise la route d’un groupe révolutionnaire qui veut remplacer les unités monétaires par le rat, animal dont le caractère communément considéré comme répugnant rappelle la dimension abjecte de l’argent.

Sans doute, enfin, n’est-il pas indifférent qu’Eric Packer exige régulièrement de son médecin un examen de son rectum, rappel à la fois du fait anatomique et de la symbolique excrémentielle de l’argent.

En salles le 25 mai.

Sur le Web : cosmopolisthefilm.com.

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