Cina e Giappone passano ai fatti. Da lunedì niente più dollari nelle loro transazioni comuni, ma le loro monete nazionali yuan e yen. Una rivoluzione passata inosservata in Europa. Libération ha intervistato l’economista francese Antoine Brunet : « Pechino cerca di detronizzare il dollaro».
ÉconomieAujourd’hui à 18h13
«Pékin cherche à détrôner le dollar»
recueilli par Dominique Albertini
La Chine et le Japon ont annoncé lundi avoir signé un accord pour utiliser leurs monnaies respectives au lieu du dollar dans leurs échanges commerciaux. «Un événement fondamental» dans la stratégie de puissance chinoise, estime l’économiste Antoine Brunet, président d’AB Marchés et coauteur avec Jean-Paul Guichard de La visée hégémonique de la Chine (éd. L’Harmattan).
Quel est le contenu de l’accord signé entre la Chine et le Japon ?
Les échanges commerciaux entre les deux pays ont connu un grand essor au cours des dernières années, le Japon exportant beaucoup de biens d’équipement, la Chine beaucoup de biens de consommation. Jusqu’alors, ces échanges étaient essentiellement réglés en dollars. L’accord signé par les deux pays vise à encourager leurs entreprises respectives à utiliser le yen ou le yuan comme monnaies de facturation et de réglement.
Pourquoi cet accord est-il fondamental, selon vous ?
C’est fondamental, parce que significatif de la stratégie d’hégémonie mondiale de la Chine. Selon les historiens chinois officiels, Gorbatchev a perdu la course aux armements contre les Etats-Unis parce qu’il ne s’était pas attaqué au statut de monnaie de réserve mondiale du dollar. Celui-ci permettait à Washington de financer facilement son effort de guerre en émettant des dollars qui trouvaient preneurs dans le monde entier. La Chine, tirant les leçons de l’échec de l’URSS, a entrepris de détrôner le dollar pour le remplacer par le yuan.
La Chine va-t-elle revoir sa position sur la non-convertibilité du yuan ?
Non, car les entreprises japonaises détentrices de yuan ne pourront toujours pas les vendre sur un marché des changes qui n’existe pas. Elles devront les convertir auprès de la Banque centrale du Japon. Celle-ci aura donc du yuan dans ses réserves : là-dessus, la Chine marque donc un nouveau point dans sa stratégie visant à faire du yuan la monnaie de réserve mondiale, sans pour autant renoncer à la non-convertibilité.
Des accords du même genre ont-ils été conclus avec d’autres pays ?
Un accord similaire a été conclu il y a deux ou trois mois avec la Russie. Il y a également eu des accords avec des Banques centrales asiatiques et sud-américaines, permettant de leur prêter des yuans en cas de manque de financement.
Ces accords peuvent-ils faire monter le cours du yuan, que les occidentaux dénoncent comme largement sous-évalué ?
Non, Pékin conserve le contrôle de la valeur du cours de sa monnaie. Quant au cours du dollar, il ne devrait pas baisser significativement malgré son détrônement. La question centrale aux yeux de la Chine, ce n’est pas le cours du dollar, c’est son statut statut. Il ne peut y avoir qu’une seule monnaie de réserve mondiale. Les exportations de cuivre, de pétrole, de blé, tout est fixé en dollar, qui est donc la monnaie de facturation et de règlement. Que le yuan devienne la nouvelle monnaie internationale, et les Etats-Unis devront alors emprunter des yuans à la Chine pour régler leur facture pétrolière… Alors qu’aujourd’hui encore, il suffit à la Banque centrale américaine d’imprimer des dollars pour cela.
Ne croyez-vous pas à un système à trois monnaies dominantes, euro, dollar et yuan ?
Je ne crois pas au «monde multipolaire». Je pense que le Japon a concédé cet accord à la Chine parce qu’il ne se sent plus assuré de la protection américaine en cas d’agression militaire chinoise. Je suis déçu de cette décision, et inquiet.