Da Libération del 14.5.10:
Monde 14/05/2010 à 16h09
Le juge Garzon suspendu pour avoir voulu enquêter sur les crimes du franquisme
Cette mesure fait suite à la décision prise mercredi par un magistrat du Tribunal suprême d’ordonner l’ouverture du procès pour «forfaiture» (abus de pouvoir, ndlr) du juge Garzon, dont la date n’a pas encore été fixée.
Elle a été prise à l’unanimité des membres du CGPJ, l’organe de tutelle de la magistrature espagnole, a-t-on précisé de même source. La suspension provisoire est normalement automatique en Espagne pour tout magistrat appelé à comparaître devant un tribunal pour des délits présumés commis dans l’exercice de ses fonctions.
Le juge Garzon a tenté d’échapper à cette mesure humiliante en demandant mardi sa mise en disponibilité pour travailler durant sept mois comme consultant à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.
Mais le secteur conservateur du CGPJ, organe de tutelle de la magistrature espagnol a déjoué cette manoeuvre, en obtenant la convocation d’une réunion extraordinaire pour statuer sur sa suspension avant d’avoir à se prononcer sur sa demande de mise en disponibilité.
20 ans d’interdiction d’exercice ?
La commission permanente du CGPJ devait se réunir vendredi après-midi pour examiner la demande de mise en disponibilité du juge Garzon, pionnier de la “justice universelle” et mondialement connu pour avoir pour avoir fait interpeller en 1998 à Londres l’ex-dictateur chilien Augusto Pinochet.
Dans une ultime tentative pour échapper à sa suspension, le juge Garzon a demandé vendredi matin l’annulation de l’ordonnance du juge du Tribunal suprême ayant ordonné son renvoi pour jugement, alléguant d’irrégularités de procédure.
Garzon est poursuivi par des organisations d’extrême droite pour avoir voulu en 2008 enquêter pour la première fois sur les disparus de la Guerre civile et de la répression franquiste, en enfreignant «sciemment» selon eux la loi d’amnistie générale votée en 1977, deux ans après la mort de Franco.
Il encourt une peine de 20 ans d’interdiction d’exercice de sa fonction de juge, qui mettrait un point final à sa carrière. Le juge Garzon, 54 ans, a reçu le soutien de nombreux juristes dans le monde qui estiment que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles et que la loi d’amnistie espagnole n’est pas conforme au droit international.
En Espagne, sa mise en accusation suscite une vive controverse. Elle choque profondément les milieux de gauche et les associations de victimes du franquisme. La droite estime que la justice doit suivre son cours en toute indépendance.
(Source AFP)